RUCHER APIS

L'apiculture urbaine

LES TOUT DÉBUTS DES RUCHES À MONTRÉAL?

Le printemps 1985, j’installais une petite ruche avec une reine carniolienne (réputée pour sa douceur) sur le toit de la maison où j’habitais, chez mon ami André, au coin de Rachel et St-Hubert sur le Plateau.Tout l’été cette ruche a prospéré au point d’être énorme au moment où les froids sont arrivés. Le printemps 1986, je l’ai divisée pour diminuer sa taille et prévenir tout risque d’essaimage. Un peu plus d’un mois plus tard, elle était de nouveau populeuse au point que j’ai sorti un second petit nucléus, par précaution. Je me retrouvais alors avec trois ruches sur le toit, dont une qui était impressionnante par sa taille. Les abeilles qui s’envolaient de ces ruches s’élevaient, puis elles se dirigeaient résolument soit vers l’est, le Parc Lafontaine ou dans la direction opposée, le Mont-Royal. L’automne arrivé, ma grosse ruche a donné 125 kilos d’un beau miel parfumé. C’était la plus belle récolte de ma courte carrière d’apiculteur, à l’époque, et je croyais bien que je ne reverrai plus jamais une telle quantité de miel produite par une seule ruche. Mais beaucoup plus tard, l’été 2018, une championne m’a donné… plus de 140 kilos. C’était certes loin de la grande ville, dans ma campagne exceptionnellement riche en plantes mellifères.

La suite de l’histoire est aussi sa fin. Au terme de la seconde saison, mon ami André est venu me dire qu’un aussi grand nombre d’abeilles sur son toit avait causé quelque émoi parmi les voisins. Il n’y avait pas d’autre solution que de déménager ces colonies à mon rucher des Cantons de l’Est. Auparavant, un jeune journaliste de L’actualité a tenu a saluer la performance de ma ruche urbaine par un article intitulé Le miel de macadam. À la Ville de Montréal, on lui avait déclaré qu’un règlement datant du début du siècle prohibait sur tout le territoire de la Ville l’élevage des vaches, des cochons, de quelques autres animaux d’élevage… et des abeilles. J’ai cessé de penser aux ruches en ville. Ces trois ruches ont été de pionnières, les premières de la période contemporaine. Mais je doute qu’elles aient été les premières à Montréal. Le temps n’est pas si lointain où les Montréalais se rendaient le dimanche au nord de la rue Jean-Talon, pour voir les vaches, les cochons… et vraisemblablement  les ruches. C’est du moins ce que me contait mon cher ami Guy Beaugrand Champagne.

L’AGRICULTURE URBAINE ET LE RETOUR DES ABEILLES

Dans le cadre du mouvement pour développer l’agriculture urbaine, en 2010, quelques amoureux des abeilles ont recommencé à installer discrètement des ruches dans la ville. Certaines de ces ruches se trouvaient dans des terrains vagues, le long d’une voie ferrée, ou sur des toits, comme les ruches du Crapaud (Uqam). En 2011 j’ai donné un séminaire à la Coop La maison verte à NDG, à laquelle, à notre grande surprise, ont participé plus de 60 personnes. Peu après des membres du Crapaud ont organisé une conférence à l’Université du Québec, au terme de laquelle plusieurs personnes m’ont demandé de monter un cours d’introduction à l’apiculture écologique urbaine (Annie Patenaude, apicultrice en Montérégie avait déjà donné une petite formation l’année précédente). J’ai alors recruté une apicultrice qui avait une expérience apicole dans l’Ouest, Marion Dulude, et nous avons donné ensemble les premiers cours à l’Uqam puis au Santropol Roulant. Depuis cette époque j’ai toujours gardé des ruches en ville, qui sont hébergées dans le rucher d’un organisme communautaire. Ces «ruches nomades» vont de rucher en rucher pour aider un groupe de passionnés des abeilles à débuter et à adopter les meilleures pratiques apicoles, douces et écologique. Il s’agit de faire la promotion d’une approche non lucrative, collective ou communautaire de l’apiculture en ville, à des fins de sensibilisation et de solidarité avec les apiculteurs ruraux.